Les accords de Munich sont toujours d'actualité. En 1938, la France et la Grande-Bretagne permettent à Hitler d'annexer les Sudètes pour maintenir la paix. L'événement fait toujours couler de l'encre comme le prouve cet article paru dans le Figaro le 11 octobre 2008.
C'était avant Munich qu' il fallait réagirpar Eric ZemmourLa conférence de Munich, où les Alliés abandonnèrent la Tchécoslovaquie au IIIe Reich, est devenue le symbole du défaitisme. Il convient pourtant de remonter plus loin dans le temps.Munichois : ne désigne pas seulement les habitants de la capitale de la Bavière, mais aussi le caractère des démocraties couardes, qui se couchent devant un dictateur et abandonnent leurs alliés à sa voracité. Dénoncer. Le souvenir de la conférence de Munich et son utilisation stéréotypée aurait amusé Gustave Flaubert, et alimenté son Dictionnaire des idées reçues.Car les choses sont moins simples. Les Allemands réclamaient que la population germanique des Sudètes puisse abandonner la Tchécoslovaquie pour rejoindre le Reich ; la guerre menaçait ; Mussolini proposa de réunir une conférence internationale de la dernière chance. Celle-ci eut lieu à Munich, les 29 et 30 septembre 1938. Il y avait là l'Anglais Chamberlain, le Français Daladier, l'Italien Mussolini et, bien sûr, celui qu'on appelait encore le chancelier Hitler. Mais pas le Russe Joseph Staline. Au fil d'une négociation au bord du gouffre, les Franco-Anglais laissèrent à Hitler les mains libres pour dépecer la Tchécoslovaquie, à l'effarement de son président Benes.On connaît le mot célèbre de Churchill : « Ils ont accepté le déshonneur pour avoir la paix. Ils auront et le déshonneur et la guerre. » Celui de Blum sur le « lâche soulagement ». Celui, enfin, de Daladier, accueilli en triomphateur à Paris, par une foule si heureuse d'avoir sauvé la paix, et qui aurait marmonné : « Les cons ! »Mais en 1938, Chamberlain et Daladier ont-ils eu vraiment tort de se coucher devant Hitler ? Le rapport de force militaire n'était-il pas déjà en faveur de l'Allemand ? N'était-il pas habile de faire le gros dos ? La même question se pose d'ailleurs, rétrospectivement, pour l'affaire polonaise qui déclencha, un an après, la Seconde Guerre mondiale.En fait, Français et Anglais avaient raté le coche deux ans plus tôt. Lors de la décision prise par Hitler de remilitariser la Rhénanie, qui avait été déclarée zone démilitarisée par le traité de Versailles. Alors, les Allemands sont encore en infériorité. L'état-major de la Wehrmacht regarde Hitler avec un mélange de fureur et d'effroi : si les Franco-Anglais attaquent, les Allemands seront écrasés.A Paris, le gouvernement d'Albert Sarraut est gêné aux entournures ; il est en pleine campagne électorale ; le Front populaire fait campagne sur « le pain et la paix » ; depuis 1918, l'opinion est profondément pacifiste. Pourtant, Sarraut est décidé à la guerre ; il tonne : « Nous ne laisserons pas Strasbourg sous le feu des canons allemands ! » Il téléphone à son allié anglais. Qui siffle la fin de la récréation. L'heure est à l'appeasement. A Londres, on ne désespère pas de trouver un compromis avec le « chancelier Hitler ». Dans les élites britanniques, jusqu'au roi, l'alliance allemande est une nostalgie. Certains milieux apprécient l'ordre fasciste. Plus profondément, le conflit autour de la Rhénanie repose la question de la rive gauche du Rhin, cette « frontière naturelle » que Danton a donnée en objectif stratégique à la France, que les troupes révolutionnaires ont conquise, que Napoléon a juré de défendre, quitte à perdre son Empire. En 1815, au congrès de Vienne, les Anglais ont pris soin d'installer les Prussiens sur le Rhin, pour contenir l' « expansionnisme français ». En 1918, Clemenceau a réclamé de nouveau cette rive gauche du Rhin. En vain. Les Anglais, hantés par le souvenir de Napoléon, soutenus par les Américains, lui ont claqué la porte au nez. En 1936, la France n'est plus celle de 1800. Elle s'incline devant son grand allié anglais.En 1938, la chance est passée. C'est pourtant Munich qui est invoqué à tout bout de champ, en n'importe quelle occasion, toujours à tort. Munich, devenu le symbole de la lâcheté des démocraties face à la dictature belliciste. Pas un dictateur qui n'ait été « hitlérisé », depuis Nasser jusqu'à Saddam Hussein, en passant par Poutine ou l'Iranien Ahmadinejad. Pas un responsable occidental qui n'ait été affublé de l'étiquette infamante de « munichois » s'il ose prôner un compromis. Depuis quelques années, l'insulte est utilisée sans discernement, mais avec efficacité, par des intellectuels médiatiques français, pour relayer l'idéologie néo-conservatrice américaine.Pourtant, Munich est sans doute une matrice du monde moderne, mais pas celle que l'on croit... C'est au nom du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes que les Sudètes souhaitent quitter l'ensemble tchécoslovaque. Le mouvement des nationalités, lancé en 1789 par la Révolution française, ne s'arrête plus. Il a atteint aujourd'hui des micro-nations, des ethnies. Les Catalans, les Ecossais, les Slovaques, les Croates, les Flamands. Même chose pour les Tibétains en Chine. Les Occidentaux ont fini par imposer l'indépendance du Kosovo, région serbe peuplée majoritairement de musulmans albanais. Poutine avait prévenu que « ça leur reviendrait dans la gueule, comme un boomerang ». Il a tenu parole. L'Ossétie du Sud, peuplée de Russes, a fait sécession d'avec la Géorgie. Et tant pis si seule la Russie reconnaît son indépendance.Jusqu'à quand ce mouvement ira-t-il ? Quelles guerres va-t-il provoquer dans l'avenir ? Il sera trop tard, alors, pour invoquer le souvenir de Munich.
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